Mais encore ; les pouvoirs de la parole, revisités ?
Quoi de plus banal et ordinaire que parler de soi ?
Mais lorsque Boris Cyrulnik nous convie à une conférence sur le thème du « récit de soi », le sujet devient captivant, tout particulièrement pour moi, dont l’écoute de récits, et leur transcription en mots écrits, constitue mon cœur de métier (cf. conférence à l’Université de Nantes). Lors de cette conférence, j’ai eu le plaisir d’entendre B.C. développer une réflexion novatrice sur les incidences possibles de l’usage et des fonctions du récit de soi.
Il s’interroge tout d’abord sur la fonction de la parole, à la lumière des récentes découvertes des neurosciences sur le cerveau. Faisant référence à l’analyse des résultats d’ une situation expérimentale simple, il émet l’idée que « Les mots et les images n’alimentent pas la même mémoire. » C’est pourquoi on peut être amené à modifier la représentation d’un souvenir traumatisant, seulement par le récit qu’on en fait.
« Si je suis laissé seul, je rumine ma souffrance, mon trauma, et je l’aggrave. Si j’en parle, je peux gagner un degré de liberté en remaniant cette souffrance. »( B.C.)
Dans un climat de confiance mutuelle et de partage, par exemple lors d’une thérapie, mais aussi au cours de l’élaboration d’une biographie, on s’aperçoit que la représentation du réel peut être remaniée.
Boris Cyrulnik souligne la pertinence de cette possibilité, dans les situations de traumatismes. Il met en exergue les liens étroits qui unissent récit de soi, et résilience. Donner la parole, lui apparait alors comme un puissant support de résilience . Dans le même ordre d’idée, prendre la parole pour raconter l’histoire de sa vie à un interlocuteur choisi, ne serait- ce pas aussi se donner la possibilité de remanier ses représentations mentales concernant certains épisodes de son passé ?